mardi 28 janvier 2014

Madagascar et la question des femmes en politique.

Mais, elles savent que la partie n’est pas gagnée d’avance. «Il va falloir s’imposer et démontrer ses capacités», confient-elles séparément à IPS.«Il y a très peu de femmes dans les instances de décision politique» dans la Grande Ile de l’océan Indien, déclare Sylla. «Les hommes ne sont pas prêts à partager le pouvoir», ajoute Rasamoelina.

A Madagascar, le monde politique est encore dominé par les hommes.
* Sur les 32 membres du gouvernement, cinq seulement sont des femmes. La Haute autorité de la transition, l’organe consultatif mis en place au lendemain de la prise de pouvoir de Andry Rajoelina en mars 2009, n’en compte que trois sur 41 membres.

*Sur les 22 régions que compte le pays, aucune n’est dirigée par une femme, tandis que sur plus de 1.560 communes, seules 67 ont des femmes maires à leur tête.

La situation n’était guère mieux sous le régime de l’ancien président Marc Ravalomanana. Elue maire d’une commune rurale de 2002 à 2007 sous les couleurs du parti 'Tiako i Madagasikara' fondé par l’ancien chef d’Etat, Rasamoelina affirme avoir toujours été «écartée au profit des hommes malgré d’excellents résultats dans la gestion de sa circonscription».
--> «Il y avait peu de femmes à la direction de ce parti», dit-elle, ajoutant que «ce n’était pourtant pas par faute de compétences, ni de volonté ni de valeurs».

 Présidente de l’association des femmes maires pendant quatre ans, Rasamoelina déclare avoir rencontré «des femmes... qui sont pleines de qualités». Selon elle, «Le seul problème tient au fait que rejetées par le monde politique, elles finissent par craindre de s’engager».

«De nombreuses femmes ont les compétences requises, mais on ne leur confie ni les postes adéquats, ni ceux nécessitant une responsabilité élevée», regrette Marie Zenaïde Ramampy, présidente de la section malgache du Réseau des femmes africaines ministres et parlementaires (REFAMP).Mais, Madeleine Ramaholimiaso, coordinatrice de l’Observatoire de la vie publique (Sefafi), ne partage pas cette opinion, estimant que ce sont plutôt les femmes qui hésitent à faire de la politique. «Les femmes ne cherchent pas le pouvoir parce que la politique est perçue comme une activité réservée aux mauvaises personnes», explique-t-elle à IPS.

Face à ce préjugé, Sylla a décidé de ne pas enregistrer sa formation politique 'Madagasikara Mandroso' (qui signifie Maman – Madagascar Développement) sous le régime des partis, préférant l’enregistrer en tant qu’association. «Nous ne voulons pas nous aligner sur les partis parce que les gens en ont marre de ceux qui utilisent la politique à des fins personnelles», affirme-t-elle.
Rasamoelina, au contraire, a dénommé son parti 'Ampela mpanao politika' (AMP – Femmes faisant de la politique). «Les femmes seront plus rassurées si elles sentent que chez nous, elles seront reconnues à leur juste valeur», explique-t-elle, indiquant que cette stratégie a été payante. «En six mois d’existence, nous avons pu délivrer 5.000 cartes d’adhérents», dit-elle.

* Un chiffre avec lequel Sylla ne semble pas pouvoir rivaliser, pour le moment. Elle hésite à révéler le nombre des membres que son association a pu recruter depuis sa création en mars 2010. «Les femmes ne sont pas aussi nombreuses que les hommes», reconnaît-elle, ajoutant: «Ce sont peut-être leurs charges domestiques qui les empêchent de s’engager».
Toutefois, Sylla et Rasamoelina soutiennent le mouvement des femmes qui militent pour la parité à Madagascar pour accroître la participation des femmes en politique.

«S’il faut attendre que la mentalité change, les femmes resteront encore longtemps éloignées du pouvoir. Il faut légiférer», souligne Sylla. «Je me tiens au courant des actions engagées par les associations militantes et j’apporte ma signature lorsqu’elle est nécessaire», dit-elle.
Le parti de Rasamoelina, pour sa part, a soumis une proposition de loi sur la parité au Comité consultatif constitutionnel (CCC), l’organe mis en place pour recueillir les suggestions des citoyens en vue de l’élaboration d’une nouvelle constitution malgache.

* «L’ancien président a déjà signé le protocole de la SADC sur le genre et le développement qui veut que 30 pour cent des postes de responsabilité soient confiés à des femmes d’ici à 2012, puis 50 pour cent à l’horizon 2015, mais comme le parlement ne l’a pas encore ratifié, et comme nous n’avons plus d’organes législatifs pour le faire depuis mars 2009, il faut que cela devienne une obligation constitutionnelle», explique-t-elle à IPS.

Même si la parité devient une obligation légale, Sylla et Rasamoelina n’entendent pas baisser les bras. «Il y aura la loi, mais les femmes doivent montrer qu’elles méritent les responsabilités qui leur seront confiées», souligne Rasamoelina. «Elles ne doivent jamais s’arrêter de prouver leurs capacités», ajoute Sylla.

En attendant les élections, Sylla, membre active de longue date de plusieurs organisations caritatives et clubs de service, poursuit ses activités sociales sous le nom de son association politique. En vendant, par exemple, des produits de première nécessité au tiers de leur prix à des familles vulnérables, elle «apporte une aide concrète aux autres», mais elle se fait surtout mieux connaître d’une frange de ses futurs électeurs.

Elle veut, entre autres, «lutter contre l’indigence terrible en matière d’idées de la classe politique malgache». L’une de ses priorités est ainsi de «former les militants et sympathisants de l’association à la culture politique, et leur expliquer les grandes orientations politiques». Elle pense qu’«avec ces notions, les gens se positionneront par rapport aux idées, et ne prendront plus parti par rapport à des hommes».

L’éducation des militants constitue également l’une des principales actions préélectorales de Rasamoelina. Pour préparer ses membres aux futures échéances, elle veut leur inculquer des notions de culture politique ainsi que des leçons de relations publiques. Elle les invite également à prendre des responsabilités au niveau des fokontany (les structures administratives de base du pays).
«L’exercice du pouvoir s’apprend à des échelles réduites», déclare celle qui a débuté sa carrière politique en tant que maire d’une commune rurale de 14.000 habitants.

«Vous y apprenez à connaître les besoins des électeurs et vous y avez l’occasion de faire vos preuves», ajoute Rasamoelina.

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