mercredi 29 janvier 2014

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Document : Quand le président candidat Tsiranana devait être élu…
Par un collectif de journalistes dirigé par Richard Claude Ratovonarivo | 25/06/2010

Philibert Tsiranana, aurait eu cent ans la semaine dernière s’il était vivant. Le premier président de la République malgache est né, en effet, le 18 octobre 1910 à Ambarikorano, dans le district de Mandritsara. En marge de cet anniversaire, nous publions aujourd’hui un article de presse qui est paru pour la première fois à Madagascar, il y a trente-huit ans, au temps de la Première République dirigée par l’ancien président Philibert Tsiranana. Il s’avère être un document à caractère historique qui n’a pas perdu de sa valeur.

L’article de presse que nous publions ci-après est un document qui apparaît comme une véritable contribution à l’histoire de la presse malgache en général, et de celle de la liberté de presse à Madagascar en particulier. C’est un article paru dans les colonnes d’un magazine indépendant d’Antananarivo en février 1972, au temps de la Première République, dirigée par l’ancien président Philibert Tsiranana. Il est intéressant à plus d’un titre. Primo : l’article illustre à merveille les conditions difficiles de travail de la presse malgache en période de restriction de la liberté d’expression. Secundo : il témoigne du savoir-faire des journalistes malgaches pour échapper aux foudres de la censure.

A cause de notre article « Qu’est-ce qui fait courir le candidat Tsiranana ? », notre édition spéciale a été saisie. D’après le ministère de l’Intérieur, nous avons « diffusé des fausses nouvelles », « outragé et diffamé le chef de l’Etat » et commis d’autres forfaits encore.

Nous sommes vraiment attristés et contraints d’avoir fait tout ça sans nous en rendre compte, alors que nous ne voulions que pousser notre petite note originale dans le concert de la presse malgache. Sans doute avons-nous péché par vanité. Aussi, rougissant comme un enfant repentant, nous nous faisons tout petits et nous mettons à l’école de nos camarades et de quelques confrères. Afin d’apprendre auprès d’eux ce qui est à dire en de pareilles circonstances nationales. Comme eux, nous disons donc aussi que le candidat Tsiranana devait être élu car…

Le candidat Tsiranana et tous ceux qui font campagne pour lui vous disent que Philibert Tsiranana est élu de Dieu :

« Toute l’histoire des hommes n’est que l’histoire du destin que Dieu leur a donné. Je n’ai jamais voulu un destin exceptionnel.

Je suis né dans une case modeste, dans un village d’agriculteurs et d’éleveurs. J’aimais mon troupeau, j’aimais ma vie proche de la nature, j’aimais mon métier de bouvier, puis d’instituteur et de professeur, j’aimais être entouré d’enfants et d’amis nombreux, les éclairer, les aider par mes connaissances à améliorer leur vie. J’aurais pu me contenter de cette expérience paisible. Dieu en a décidé autrement» (Cahier bleu, 2 juin 1970).

Cette élection de Dieu se lit dans de nombreux signes dont le plus lisible est sans nul doute le miracle de la guérison de 1970 :

-« Après le drame de Yaoundé, les médecins parisiens avaient donné quinze jours de survie au Président Tsiranana… et de reconnaître quelques mois après que le cas Tsiranana fut un miracle dans l’histoire de la médecine » (Jacques Rabemananjara).

-« Au plus profond de ma maladie, en ce sombre mois de février 70, c’est à Dieu que je me suis adressé. Du fond de mon âme je Lui ai dit : « Si tu penses, mon Dieu, que je ne dois plus être le Chef de mon pays, ne me laisse pas vivre. Reprends-moi, mais si Tu estimes que je dois continuer, il faut me guérir complètement ». Dieu m’a laissé vivre, il m’a donné la force et le courage de lutter jour après jour contre la maladie. C’est pourquoi, plus encore je crois en la vérité de ma vision ». (Cahier bleu, 9 mai 1970).

Mais il est d’autres signes pour qui sait lire :

-La biographie du Président que Loda Abdou Lambert trace avec simplicité et force détails. Il souligne avec insistance les « péripéties diverses » traversées par le Président Tsiranana au cours de son dernier septennat et dont il est sorti toujours vainqueur « grâce à Dieu qui sait que Madagascar a encore et toujours besoin de Tsiranana » (Le Courrier de Madagascar du 10 janvier 1972).

-Le nom même du Président : Loda indique avec astuce que « les neuf lettres de « Tsiranana » et les neuf lettres de « Philibert » font de Philibert Tsiranana le chef incontesté des dix-huit tribus de l’île, c’est-à-dire le champion de l’unité nationale ». (Le Courrier de Madagascar du 11 janvier 1972).

Le candidat Tsiranana et tous ceux qui font campagne pour lui vous disent que cette élection divine s’explique aisément :

-par l’amour de Dieu pour les pauvres : « Pourquoi Dieu a-t-il choisi David, un petit berger pauvre, pour devenir roi d’Israël ? Et pourquoi Dieu a-t-il choisi l’humble bouvier d’un village perdu de Madagascar pour devenir le chef d’un peuple entier ? » (Cahier bleu, 29 mai 1970).

‘ « Dieu a choisi le modeste berger parce qu’il sait que seul celui qui a été pauvre peut comprendre le pauvre, seul l’homme qui a souffert peut comprendre celui qui souffre. Notre peuple était pauvre comme était pauvre le peuple d’Israël, David était un véritable saint. Cependant Dieu a mis dans mon cœur un peu de force qui a guidé David : l’amour des petits et des humbles » (Cahier bleu, 30 mai 1970).

-plus simplement, parce que « Dieu sait que Madagascar a encore et toujours besoin de Tsiranana» (Loda, Le Courrier de Madagascar du 10 janvier 1972).

Le candidat Tsiranana et tous ceux qui font campagne pour lui pensent que Philibert Tsiranana résume en lui la nation malgache :

-« Oui, j’appartiens à tout Madagascar. Mes Ancêtres sont venus du Sud. Ils sont venus du Nord. Ils sont venus des forêts betsimisaraka et même des terres arides de l’Imerina.

Mes ancêtres ont été des rois, ils ont été des hommes libres, et quelque fois même, ils sont tombés en esclavage.

Ainsi comme le Betsiboka qui charrie toute la terre rouge de Madagascar, de l’Onilahy au pays Tsimihety, du prince à l’esclave, c’est le sang de tous les Malgaches qui circule en mes veines » (Cahier bleu, page 99).

Ainsi est-il l’homme en lequel toute la Nation se rassemble : des quatre points cardinaux et de toutes les catégories sociales, le peuple converge vers lui depuis le temps ancestral. Les dix-huit lettres de son nom n’en sont-elles pas aussi l’expression ? (cf. la citation de Loda).

Par conséquent, le candidat Tsiranana et tous ceux qui font campagne pour lui pensent qu’élu de Dieu, Philibert Tsiranana est en même temps l’élu des Ancêtres et que ces deux élections n’en font qu’une :

-« Tsiranana, c’est l’homme que Dieu et nos Ancêtres ont désigné pour faire de Madagascar une grande Patrie du Grand Peuple Malgache uni et fraternel » (Calvin Tsiebo, Le Courrier de Madagascar du 19 octobre 1971).

Le candidat Tsiranana et tous ceux qui font campagne pour lui pensent que cette élection divine et ancestrale se révèle dans le choix de la nation toute entière lors des élections :

-En effet, la Nation ne peut pas ne pas élire celui que Dieu et les Ancêtres ont choisi, celui qui résume en lui toute la Nation : « Celui qui remplacera le Président Tsiranana à la tête du pays n’est pas encore né et s’il est né, nous l’ignorons, car Dieu et nos Ancêtres ne l’ont pas encore désigné ». (Loda le 8 octobre 1971 à Mahabo).

-Inversement, Dieu et les Ancêtres ne peuvent pas ne pas choisir celui que la Nation choisit : « Tsiranana est (…) un farouche partisan de l’émancipation de la femme ». Mme Rasoamampionona a dit cela avec force, d’une voix bien distincte et une foi propre à soulever les montagnes. Elle a ponctué son discours par le célèbre dicton : « Ce que femme veut, Dieu veut ! » arrachant un tonnerre d’applaudissements prolongés » (Le Courrier de Madagascar du 15 janvier 1972).

Enfin, le candidat Tsiranana et tous ceux qui font campagne pour lui pensent que la Nation ne peut pas ne pas choisir Philibert Tsiranana puisqu’en le choisissant, elle se choisit elle-même en la personne de celui qui la résume : voilà le sens dernier du suffrage universel qui fait que ‘ « Tsiranana n’est pas au Parti Social Démocrate mais à la Nation entière » (Rabary, Le Courrier de Madagascar du 11 janvier 1972).

-« Le Président appartient au peuple, sans aucune distinction car il est élu au suffrage universel et s’emploiera à fond à toujours chercher le meilleur pour ce peuple dans tous les domaines ». (Tsiranana à Antsirabe, Le Courrier de Madagascar du 14 janvier 1972).

-« Le Président de la République élu au suffrage universel est, par définition, l’homme de la Nation, qui est versé corps et âme au service de la Patrie ». (Tsiranana à Tuléar, Le Courrier de Madagascar du 12 janvier 1972).

-« Le gouvernement de la République est un gouvernement du peuple pour le peuple » (Tsiranana à Ambatondrazaka, Le Courrier de Madagascar du 19 janvier 1972).

Tout ceci ne se voit-il pas dans la floraison des Comités de Soutien à la candidature de Philibert Tsiranana : comme des « sportifs » , des « intellectuels », des « catholiques », des « forces vives », des «femmes du Boina», des « sans parti », des « prolétaires de Tananarive », des « ex-MDRM », etc.

Le candidat Tsiranana et tous ceux qui font campagne pour lui pensent qu’ainsi élu de Dieu, des Ancêtres, de la Nation qu’il rassemble et résume, Philibert Tsiranana est investi d’une mission par Dieu et les Ancêtres :

Il est désigné pour être :

-« le guide éclairé » (Loda) ;

-« le Moïse du peuple malgache » (Tsiebo) ;

-« l’Isaïe du peuple malgache, celui qui est digne de conduire le pays vers le progrès et le mieux-être, dans la paix et l’unité nationale ». (Loda, Le Courrier de Madagascar du 29 décembre 1971).

Il est choisi de même que David le fut pour Israël. Mais Philibert Tsiranana n’ose pas se comparer à David (cf citation Cahier bleu du 30 mai 1970). Mais nul ne s’étonnera que telle soit sa prière :

« Ma prière :

Mon Dieu, je veux bien comme Job, perdre tous mes biens et devenir pauvre. Je veux bien tomber un jour en combattant comme un soldat au front, mais donne-moi toujours le désintéressement, le dévouement, la chance de David ; donne-moi la sagesse de Salomon, pour que je puisse conduire très loin le peuple que tu m’as confié ». (Cahier bleu, juin 1971).

Aussi, le candidat Tsiranana, président sortant, pense-t-il sa mission comme un service :

« On est candidat à la Présidence de la République pour se faire l’esclave du peuple ».’ (Tsiranana à Antsirabe, Le Courrier de Madagascar du 14 janvier 1972).

« J’ai été l’esclave du peuple pendant quatorze ans et je le serai encore aussi longtemps que Dieu et la Nation le voudront bien » (Idem).

Le candidat Tsiranana et tous ceux qui font campagne pour lui pensent que pour réaliser sa mission, le président Tsiranana est investi de la grâce divine :

« Quels que soient les calculs et les efforts de l’homme, s’ils sont contraires à la volonté de Dieu, ils ne réussiront pas.

Saül n’a rien pu faire contre David, et le géant Goliath a été vaincu par le faible berger aimé de Dieu. A défaut de force, Dieu a donné l’habilité à David, il a déjoué les pièges de Saül. Ainsi, celui que Dieu a choisi peut aller le cœur serein, aucun Goliath ne pourra jamais le briser ». (Cahier bleu, 1er juin 1970).

Les « péripéties » dont le Président Tsiranana est sorti vainqueur ne sont-elles pas le signe de cette grâce justement ?

En conclusion

Résumant en lui toute la Nation malgache, au-delà des différences ethniques et sociales, élu de Dieu au travers du choix de tous les Ancêtres dont le sang coule en ses veines, investi de la Mission de conduire le peuple Malgache vers la terre de l’unité et du progrès, objet de la grâce divine, le Candidat Tsiranana ne peut être que l’unique candidat dans lequel la Nation se reconnaît. Il ne reste à tous ceux qui font campagne pour lui qu’à prêcher sa parole :

« Le Président nous a donné un commandement nouveau : « aimez-vous les uns les autres au sein du Parti Social Démocrate » (Rakotomisa à Ambatondrazaka).

Et répétons ensemble : « Une Seule Patrie, un Seul Chef dans la Démocratie ».

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