mercredi 29 janvier 2014

L'investiture de Hery Rajaonarimampianina - Action Vérité et Conséquences.


Image agence ANTA/tnr
       Alors que le tout juste Président de Madagasikara Hery Rajaonarimampianina s'est fait prendre en plein délit à enfiler une toque mal apprêtée et mal fagotée, il découvre la trame insoupçonnée du jeu "Action vérité et conséquences" qui guide de façon occulte dans le bon sens ou dans le mauvais, la politique malagasy depuis trop de régimes. Au lendemain d'un tout premier discours piégé de bizut, il sait aujourd'hui qu'il est le Président qui attire toutes les attentions.
Le Président pourtant assidu qui avait lissé les grandes sections du premier discours de sa vie de chef d'Etat se retrouve dans un piège qui va vite se refermer sur lui.
En ayant vu les échos sur les presses françaises, jusqu'au Petit Journal de Yann Barthes, de la malhonnêteté intellectuelle de sa plume ou de ce que ses yeux ont lu, sans soupçonner de rien, il a du prendre mesure brutalement de l'ampleur de la tâche, tant jeter le bébé avec l'eau du bain, semble être plus facile qu'autre chose par l'opinion publique à Madagasikara, quand plus aucune connexion n'existe entre la fonction Présidentielle et le Peuple.

 (Action, Vérité, Conséquence est un jeu de société informel dans lequel les participants proposent chacun à leur tour à un autre participant de choisir entre répondre à une question ou accomplir un gage, l'intérêt du jeu résidant dans le caractère tout aussi embarrassant de l'un ou l'autre des choix /Wikipédia)
C'est un mauvais Vaudeville.
(Un vaudeville est une comédie sans intentions psychologiques ni morales, fondée sur un comique de situations. Au cinéma et en littérature c'est, par analogie, un film ou un roman comique, proche du vaudeville de théâtre. C'était, à l'origine, un genre de composition dramatique ou de poésie légère, généralement une comédie, entrecoupée de chansons ou de ballets./Wikipédia)

C'est un mauvais Vaudeville, qui ouvre le bal des festivités programmé au millimètre près par l'expérience aiguisée et acérée du PHAT. Les presses internationales ont pu donc titrer "passation symbolique de pouvoir", tant il y avait là plus de symbole que de pouvoir visible. En effet le déroulé de ce rite jusqu'alors inconnu a eu le mérite de nous faire découvrir à quel point l'événementiel n'avait pas de frontières, et à quel point sortir du protocole froid et guindé sans aucune autodérision, était dépassé.  Qu'au Palais, maître des pages sombres et semi glorieuses de Madagascar, strict et majestueux de Iavoloha, toutes les fêtes et frasques étaient permises.
Si on s'attendait à ce que le nouveau Président raccompagne ou non le Past Président Andry Nirina Rajoelina, comme le François Hollande Normal n'avait pas raccompagné le couple Sarkozy pas Normal en investissant alors l'Elysée devant la terre entière, il n'en n'a rien été.


L'entrée et la sortie que l'on retiendra seront celles de Andry Nirina Rajoelina, qui a réussi le tour de force d'entrer au forceps dans le Palais et d'en sortir par la grande porte et avec les honneurs qu'il sait si bien exiger.
De toute évidence lors de cette remise de Clé pas d'état des lieux et aucune histoire de rendre quelconques caution ou de faire les réparations nécessaires selon que le pays ne serait pas dans le même état à l'arrivée qu'au départ, le seul hic étant bien sûr que la caution solidaire pour que Hery Rajaonarimampianina puisse intégrer les lieux, a été versée grâce au(x) soutien(s) du Past Président, cela ferait donc désordre de souligner quoi que ce soit...

Cet instant regroupant éléments émotionnels, visuels et sonores, et certainement beaucoup d'humour, avec cette formidable et fort minable idée de reproduire cette fameuse Clé, cette clé que les deux petits rongeurs seuls confidents et amis de Cendrillon ont finalement pu apporter à la pauvresse alors qu'elle était enfermée dans les combles, quand la marâtre et sa descendance tentaient de l'empêcher à n'importe quel prix d'accéder au Palais. Il ne faut pas être grand psychologue pour établir là une analogie surprenante, tirée de nos classiques de Disney. Laisser cendrillon accéder au Palais voulait alors dire qu'elle serait très certainement la seule à attirer les faveurs du Prince en l'épousant par la suite, au détriment de toutes les contorsions de Javotte et Anastasie de Trémaine, filles de la marâtre Trémaine, qui ne parvenaient pas à trouver chausson à leurs pieds, tant ils étaient trop envahissants, trop grossiers, trop impétueux, trop voraces.

C'est un homme seul guidé par le maître des clés qui est entré dans la salle de la Clé, sans même pouvoir avoir dans l'assistance sa moitié fraichement épousée, prenant siège et regardant passer devant lui ce moment insolite en restant pour autant bien détaché et spectateur, quelque peu dubitatif semble-t-il.
C'est un Andry Nirina Rajoelina fier de sa gouvernance et avançant les forces de sa période de Président de la transition qui s'est avancé prenant toute la lumière, éclipsant volontiers l'Elu, ou sans doute, imposant sa qualité de "Ray Amandreny" annoncée il y a peu, attendant ici certainement toute la déférence et la reconnaissance que l'on doit envers les hommes de ce rang.
La sortie "américaine" de Andry Nirina Rajoelina tenant enfants et épouse par la main marchant d'un pas décidé et fier vers un avenir encore meilleur, le double de la Clé dépassant à peine du gilet,  n'a pas été sans rappeler que si on ne passait pas devant le Père Fouras, après avoir résolu l'énigme, alors, on ne pourrait atteindre ni la salle du Conseil (Salle du jeu Fort Boyard, dans laquelle les maîtres des ténèbres sont toujours présents, mais ne font plus que de la figuration ), ni la salle du trésor. ANR sait certainement mieux que le nouveau Président les embuches auxquelles il aura droit.
le Père Fouras est-il encore dans la tour présidentielle...

" L’hôte de la cérémonie, le président de la transition s’est fait attendre. Pas de signature de documents ; pas de remise de documents, tout juste une clé symbolique dont le nouveau locataire ne savait quoi en faire sur le coup"-Tribune

Aujourd'hui plus que jamais Madagasikara est suspendue aux lèvres de celui qui voudra bien communiquer sur les intentions du Président Rajaonarimampianina. Avide de justice, de progrès, de présent et d'avenir, la grande île a les yeux et les cœurs tournés vers celui qui a accepté d'entrer dans la course présidentielle sous les lueurs oranges et les fortunes déployées sans compter des loups alpha qui posent leurs pouvoirs là. De grandes interrogations se font de plus en plus lourdes sur le nom du futur premier ministre qui sera chef du gouvernement. Il reste difficile à ce jour de savoir si Hery Rajaonarimampianina a gardé de gré ou de force le lien paternel qui l'a amené là via tout ce que le Président de la Transition a déployé pour son passage en force. Et un mutisme inhabituel des très proches de ANR auparavant prolixes, laisse croire que peut-être actuellement le Président de la République de Madagasikara penserait à s'affranchir de ses faiseurs.
La période de propagande de campagne et de second tour avait donné l'occasion à ceux qui étaient proches du Soleil ou rapprochés de lui lassés de leur illusions, de se montrer sous tous leurs avantages, et d'imposer par là une image de "winner" ou de futur grand quelqu'un...
Si pendant le second tour l'opinion était clairement divisée d'un côté pour soutenir le Docteur Jean-Louis Robinson, ou à contrario l'ex ministre des finances durant la transition aujourd'hui élu, il semble que la gravité de la situation et le soulagement de la reconnaissance manifestée des pays de la communauté internationale, l'Union Africaine, et l'Union Européenne, ait fait naître une certaine envie d'y croire.
De toutes évidences la période veut que, avec une économie en berne, une famine galopante, 0,40 euro par jour pour 22 millions d'habitants, si jamais la moindre possibilité de mieux faire et de mieux vivre se présentait, la Patrie reprendrait ses droits, dans le cœur de chacun des citoyens, qui toutes qualités confondues, ne souhaitent qu'une chose, c'est la sortie du coma économique et la reprise du battement cardiaque et social de la Grande île.

Non aisé d'imaginer possible le talent technique qu'il va falloir que le prochain gouvernement déploie pour sortir au plus vite l'île du cul-de-sac dans lequel on est venu l'y mettre. Si les apports extérieurs risquent de reprendre sous peu, et qu'ils soutenaient à plus de 60% l'économie malagasy selon une interview accordée par Marc Ravalomanana du temps de sa présidence, il sera avant tout question de rétablir sur tous les fronts la sécurité, la sécurité alimentaire, la justice sociale, l'emploi, les libertés, les droits, la bataille contre la corruption, tous ces grands chantiers en friche qui meurtrissent un peu plus le pays jour après jour.

Tout cela ne sera possible que -et exclusivement si- le Président impose une politique de rupture avec les habitudes prises, quand lui-même, quand il était ministre des finances, avait été amalgamé avec les trafics de bois de rose, dont on sait qu'ils ont généré des revenus colossaux, arrivés ailleurs que dans les caisses de l'état, et mettant en valeur un clientélisme accru.

Une politique de rupture également avec un "milieu" qui n'est pas surprenant de voir autour d'une sphère politique, mais qui a tendance plus à "truster" les opportunités d'affaires juteuses ou de marchés qui pourraient être mieux partagés, et qui est fatal à la bonne marche et à l'intégrité des actes et des conséquences de la politique mêlée à ce fameux "milieu".
L'entourage technique, la cellule de communication, les ministres, et bien sûr le premier ministre devront envoyer un signal fort aux Malagasy et aux pays partenaires et voisin, car si il est temps de déchirer la copie et de tourner une page neuve, il est aussi temps de rompre avec les usages mal appropriés connus de tous, élites confondues.

"La  désignation du Premier Ministre revient à la plate-forme «Miaraka amin’ny Prezidà Andry Rajoelina» (Mapar), a précisé Andry Rajoelina, président de la Transition,  à l’occasion de l’inauguration de l’hôpital  «Manara-penitra»,  situé à Andohatapenaka. La Constitution de la Quatrième République, selon Andry Rajoelina,  stipule clairement que c’est le parti politique ou le groupe de partis politiques majoritaire à l’issue des élections législatives qui propose le Premier Ministre.  Andry Rajoelina  a balayé d’un revers de la main les avis des juristes et experts  en constitution, lesquels avancent que seul le parti ayant obtenu 51 % des sièges au sein du Parlement est en droit de proposer  les noms des Premiers ministrables.
«Tous les candidats proposés par cette plate-forme ont été élus dans les six arrondissements d’Antananarivo ainsi que dans tous les ex – chefs lieux de Province de Madagascar. Ceci étant, la population remet son entière confiance entre les mains des  candidats soutenus par le Président Rajoelina pour désigner le Premier Ministre », a expliqué le président de la transition.  Et de préciser  que le pays entre dans un régime semi-parlementaire. Et de souligner enfin que  le groupe politique majoritaire à l’Assemblée Nationale propose un Premier Ministre, comme c’est le cas en Allemagne, en Israël ou au Royaume Uni. Le groupe parlementaire Mapar  rassemble  80 députés dont 53  députés Mapar.-MaTV"


Le MAPAR est la question cruciale, la majorité à l'Assemblée Nationale viendra-t-elle imposer le Past Président au plus haut niveau, tout en sachant qu'il reste difficile à un seul homme d'être PHAT pendant 5ans, Premier Ministre les 5 autres années, puis être candidat aux prochaines échéances électorales pour les présidentielles 2019. Ce MAPAR acceptera-t-il un Premier Ministre neutre si Hery Rajaonarimampianina, chef de l'Etat met les pieds dans le plat et parvient d'une manière ou d'une autre à "refuser" ce qui était écrit et planifié magistralement.
Les supporters pro Hajo Andrianainarivelo attendraient bien une ouverture en pouvant faire proposition de premier ministre instruit, qualifié et pertinent et en respectant la règle selon laquelle le PM cette fois serait côtier, cela implique une donne supplémentaire non négligeable.
Le candidat MTS Rolland Ratsiraka et neveu de Deba a clairement mis à disposition ses qualités pour tenir ce poste de hautes responsabilités, quand du côté du camps de Saraha Georget, on attend du Président de la réconciliation nationale qui avait annoncé une ouverture, une proposition forte et ferme, qui pourrait ne plus placer l'Ecologie comme priorité mineure.
Nous l'avons compris, les forces politiques ont pour la majorité, placé leur confiance dans la configuration actuelle légitime et reconnue.

La question qui restera comme une question de principe et qui portera en elle probablement tout ce qu'un Etat peut craindre à l'avenir, restera celle du retour du Président renversé et exilé Marc Ravalomanana.
 La vérité n'a pas été bien criante lors des évènements du lundi noir et du samedi rouge faute d'enquête digne de ce nom, et il s'est retrouvé inculpé-impliqué sans avoir pu répondre de ce qui lui avait été reproché devant la justice. Son épouse avait repris ses sillons, fidèle à la "marque" Ravalomanana, mais pour l'instant, rien n'indique que l'avant dernier Président élu pourra retrouver sa terre de naissance et d'appartenance. Lui avait été reproché de gérer le pays comme sa propre entreprise et d'avoir bénéficié pour ses affaires, d'avantages fiscaux et de financement de la banque mondiale sans égal, de voir ses intérêts partout dans chacun des secteurs rentables et de faire montre d'une oppression sur l'opposition et la liberté de la presse.
Au jour où Andry Nirina Rajaoelina vit la suspension d'antenne de Viva suite à diffusion d'un discours de Didier Ratsiraka, il poussera le conflit jusqu'à la rue, et réussira en un temps court à avoir autour les conjonctures pour une prise de pouvoir plus ou moins mal lissée par la suite.

Si le partisan pro Ravalomanana ne remerciera jamais assez l'homme qui annonçait un taux de croissance à 7% et qui avait apporté aux populations des PPN conditionnés au pays à prix abordable, développé le secteur routier, il ne tombera jamais d'accord avec le pro ANR, qui lui ne voulut plus entendre parler de Marc Ravalomanana, quitte à ce qu'il ne puisse plus toucher Terre.
Cette question entre parmi toutes les autres aussi douloureuses que sensibles et jamais affrontées telles que l'assassinat de Ratsimandrava, la tuerie de Iavoloha, celle du samedi rouge, qui ont été des évènements clé de l'histoire de Madagasikara qui ont fortement influencé le sort de l'île, sans que jamais aucun des chefs d'Etat n'ait le courage de les aborder, pour rétablir les fautes et responsabilités, et rétablir ainsi la Justice pour ceux qui sont tombés pour cela et la place que les Hommes dans l'histoire doivent tenir.


Si certains pays d'Afrique commencent à dégager une croissance à deux chiffres, d'autres ont connu ces derniers temps des conflits de sang, de guerre, de division, d'instabilité maintenue, et d'exclusion de tout processus négociable, voire même du coup, des présences militaires étrangères localement pour "pacifier", nous devons à chaque instant ne jamais encourager plus la fragilité du pays, d'un peuple qui a su garder la tête froide et ne pas sombrer dans la folie de ce que pourtant sa vie lui dicterait volontiers.
Il est à penser que ce peuple n'a certainement pas eu ce comportement grâce à une politique qui l'aurait sécurisé, ou par laxisme, mais plutôt parce que la nature même de raisonnement des Malagasy ne va pas au frontal et à l'impulsif, mais plutôt au plus prudent et à ce qui viendra le moins accentuer le danger imminent.

Action, Vérité & Conséquences.
Erika Cologon Hajaji