mercredi 29 janvier 2014

Madagascar/Opinions : "Le Démocrate" décrit l'Homme que le pays attend

Nous analysons ainsi les crises successives (1972, 1991, 2002, 2009) comme principalement le fruit du refus de confronter la pratique politique à l’émergence d’une Nation avec une Histoire, une Civilisation unique autour d’une même langue et des sacrifices que cette dialectique impose. La 1ère République de P. Tsiranana avait un tant soit peu tenté de le faire mais tombera dans les errements du  Parti PSD (et disons le dans une forme d’acceptation coupable du néo-colonialisme). Quand la confiscation permanente du pouvoir en décalage complet de la réalité économique, sociale et économique de citoyens de ce pays sert de baromètre aux calculs politiques, il ne peut en ressortir que crises et vengeances à répétition surtout quand depuis 30 ans ce sont toujours plus ou moins les mêmes acteurs qui jouent la musique et écrivent la partition.

Notre Nation est donc malade, sa construction est inachevée et aucun président élu, pas plus que les dirigeants transitoires (à l’exception de Guy Willy Razanamasy ?) n’ont su ou pu mettre ce projet d’Unité Nationale réellement au centre de leur Projet Politique.

A la « politique du ventre » du président Tsiranana, s’est succédé les inepties de la révolution socialiste, les pédanteries de la république humaniste et écologiste (en oubliant la Nation malgache au passage) et enfin une conception ultra libérale, monopolistique et au final très technocratique et sans âme du développement, laissant les malgaches de côté avec au final une (nouvelle) transition qui a réussi à condenser en quelques mois les erreurs de tous ses prédécesseurs. Au bout de chemin, on se retrouve avec une centralisation aberrante des moyens de l’Etat, des citoyens méconnaissant leurs droits et démis de leurs responsabilités, des organes territoriaux n’assurant pas leur rôle de transmetteur et de passeur vis-à-vis de leurs sujets, l’enfermement d’une élite sûre de sa propre puissance,  endogame, héréditaire et non renouvelée, des acteurs politiques sans une once d’éducation citoyenne, une décentralisation à ses  balbutiements mais sans moyens financiers adaptés, des libertés publiques fondamentales fondamentalement massacrées et un multipartisme à outrance qui vire au démocratisme fade.

Le résultat de tout cela est qu’aujourd’hui nous héritons d’un pays plus divisé que jamais entre les territoires (chacun tentant par tous les moyens possibles de faire accéder son clan, son ethnie, les intérêts de son « territoire » à la direction centrale de l’Etat), entre les acteurs économiques qui ne cessent de payer des prébendes aux acteurs politiques en guerre pour maintenir leurs positions au lieu d’investir dans la modernisation, entre les factions religieuses (catholiques/protestants et autres dérivés du christianisme/traditionalistes/musulmans), entre castes (survivance de l’ère monarchique avec ses nobles et ses sujets), entre politiciens au sein d’une classe politique ravagée suite aux incessants retournements de veste et trahisons de toutes parts, enfin entre intellectuels mêmes (engagés ou non) qui se chamaillent loin du regard du Peuple sur la légalité et la légitimité du dernier coup d’Etat. Bref une volonté généralisée de  tout catégoriser, saucissonner, diviser tout en se réclamant sans arrêt de la volonté du Peuple souverain.

Et au milieu de tout cela, il y a le Peuple qui se demande chaque jour qui passe, qui se soucie réellement de lui.  Le Peuple pense que la classe politique lui ment et il a probablement raison. La où il cherche l’Unité pour profiter des bienfaits et des richesses que la Nature lui a prodiguées (mines et hydrocarbures, tourisme, agriculture, une biodiversité unique) il ne voit que divisions qui au final l’enfoncent chaque jour un peu plus dans la misère économique, sociale, intellectuelle et civique.

Or, nous ne pouvons éternellement nous accommoder de ces divisions qui nous mènent chaque fois plus à notre perte, et en cela le grand Abraham  Lincoln avait raison « « a house divided against itself can not stand » [« une maison divisée contre elle-même ne peut tenir »].
Aussi jamais dans notre Histoire, nous n’avons eu besoin d'autant d’Unité que seule la  Nation peut nous offrir.

Une Nation conçue comme une construction humaine consciente d'être unie par une identité historique, culturelle, linguistique ou religieuse ; mais aussi une communauté politique établie sur un territoire défini  et personnifié par une autorité souveraine.  Cette communauté est politique dans le sens où elle est définie comme oeuvrant dans le but de gérer  les affaires de la Cité dans la paix et pour le bien de tous. Nous sommes une (Grande) Île avec des limitations géographiques qui nous ont été imposées par la nature, contrairement à des nombreux pays du continent qui ont du subir des anciennes puissances coloniales des découpages territoriaux en contradiction avec l’histoire de leurs peuples. Nous devons aujourd’hui rassembler les contours des communautés à nos limites géographiques, et les relier à un Projet Politique bâtie autour d’une autorité souveraine, à savoir un gouvernement et un parlement d’élus qui, forts de cette légitimité acquise par le Droit et par la Volonté du Peuple, saura faire vivre cette Nation. Cette Nation qui sera ouverte à énormément d’apports culturels comme l’a montré l’Histoire qui unit et doit être le centre de la réflexion sur la refondation du Politique dans notre pays.

Voilà la raison pour laquelle nous pensons que celui ou celle qui sera amené à conduire la destinée de notre pays devra être un homme (ou une femme) d’Union et de Vision et qui aura à cœur d’achever le travail de construction de l’Unité Nationale, et ce, loin des slogans tout faits, des promesses non tenues et des plans sur la comète. Il s’agit aujourd’hui de s’adresser au Peuple tout entier, que ce soit en milieu urbain et rural, aux jeunes comme aux plus âgés, aux hommes comme aux femmes pour leur faire partager la possibilité de l’aboutissement du rêve des combattants de mars 1947 : une Liberté retrouvée dans l’égalité pour tous. Et la reconnaissance que l’égalité de tous et pour tous amène des devoirs et des responsabilités autant de la part des dirigeants que des citoyens.
Nous avons besoin d’un vrai Ray-AmandReny au sens noble que lui procurait nos Anciens : celui ou celle, qui par ses décisions, était capable de ramener dans la famille la paix là où la discorde la plus totale régnait. Cet homme (ou cette femme) doit être capable de ressentir le Malgache dans toute sa diversité, être capable d’aller au-delà de son clan, de son ethnie, de son église et faire partager la réalité de l’Être Malgache à toutes les composantes de la société. Pour qu’enfin, dans l’intérêt de tous, le Merina, le Sakalava, le Betsileo, le Betsimisaraka, le Tsimihety, l’Antemoro comme l’Antandroy  ou tous les autres peuples de la Grande île s’effacent devant le Malgache sans pour autant renier leur propre individualité. Car là est la récompense de la République.

Nous n’avons pas ou plus besoin d’un président mystique et détaché qui marche sur l’eau, habité d’une mission messianique (trop souvent considéré et adoré comme tel dans le passé) mais d’un président du réel, capable de comprendre, de synthétiser dans une Politique du réel les préoccupations quotidiennes de ces citoyens, sans exception et sans discrimination autre que leurs mérites individuels.

Nous avons besoin d’un président qui prête une attention particulière aux héritages culturels et philosophiques de l’Histoire –contemporaine comme la plus ancienne- et qui saura en tirer le meilleur pour enclencher la nécessaire refondation de la République et surtout du Politique. Qui saura (re)faire vivre aux Malgaches la fierté d’Être Malgache, et les associer aux lumières et aussi aux ombres de l’Histoire, pour que les évènements tragiques du passé soient exorcisés une bonne fois pour toute et ne se répètent pas.

Nous avons besoin d’un président qui parle le langage de l’humilité, du travail mais aussi du pardon. Un dirigeant qui soit conscient de la responsabilité collective qui est la nôtre dans le désastre que vivent aujourd’hui nos concitoyens et qui soit capable d’aller au-delà des acrimonies pour réparer, rassembler, pardonner, nous amener à nous pardonner mutuellement, unir et construire ensemble la suite de l’Histoire.

Nous avons besoin d’un président qui verra plus loin que la Terre des Ancêtres et ses richesses, pour se concentrer enfin sur les vingt millions d’âmes qui y vivent et en tirent leur subsistances, trop souvent au prix de souffrances contraires à notre dignité individuelle et collective.

Nous avons besoin de quelqu’un qui soit conscient du pari de l’intelligence individuelle et collective, qui connaît - pour l’avoir vécu- l’apport d’une éducation de qualité- pour préparer le pays à une nouvelle ère, qui sera celle de la guerre du savoir et de l’immatériel.

Nous avons besoin de quelqu’un qui jouisse d’une autorité politique forte,  réelle, reconnue aussi bien par ses alliés que ses adversaires, et qui de cette autorité saura construire avec tous et autour d’un socle de valeurs acceptables par tous, alliés comme adversaires, un élan pour un renouvellement républicain et démocratique de notre société et de nos pratiques  politiques.

Nous avons  besoin de quelqu’un qui aura toujours su montrer une appétence forte à la tolérance, à l’ouverture, au respect de l’autre et qui aura à cœur de défendre les libertés individuelles et collectives fondamentales, dont les droits de l’homme et de promouvoir le débat républicain sous la  protection du Droit, juste dans sa lettre et son esprit, et appliqué dans l’impartialité la plus grande.

Nous avons besoin de quelqu’un qui aura toujours  préféré la voix du Droit et du Devoir, du Dialogue à la voix du plus fusil et de la division, mêmes dans les crises les plus violentes (comme ce fut le cas en 2002 et 2009) et  qui aura toujours, au-dessus des belligérants,  œuvré dans le respect des libertés de chacun, que ce soit en opposition dans des arguments de fonds ou dans l’accompagnement sans compromissions coupables sur les valeurs et leur finalité : la paix durable.

Nous avons besoin de quelqu’un qui ait conscience des défis qui s’ouvrent devant nous du fait de la mondialisation et de ses effets sur nos sociétés et qui de ses expériences de l’international saura nous réintégrer pleinement dans le concert des nations, avec la dignité et l’honneur qui furent  les nôtres dans le passé.

Enfin, nous avons besoin de quelqu’un qui saura se montrer  libre dans sa pensée et son jugement et qui, par son attachement incontesté aux bonnes mœurs dictées par les idéaux et valeurs malgaches sera un exemple pour tous.

Nous avons volontairement mis de côté les qualités techniques nécessaires au futur président en nous focalisant sur le plan des valeurs et du Politique dans son sens premier car à notre sens, la seule excellence technocratique ne serait qu’un palliatif voire un placebo face à une situation qui, aujourd’hui, touche le cœur même de notre tissu social et frappe de plein fouet ses fondements mêmes. La résurgence de la célébration des traditions et pratiques d’antan, que ce soit chez les anciens mais encore plus dans  la nouvelle génération, est à notre avis symptomatique de ce besoin de retrouver le sens des valeurs malgaches, qui sont éternelles  et qui nous définissent aux yeux du Monde. Kolontsaina Malagasy, Harentsainam-pirenenena, Fihavanana, voici autant de concepts que nous devons voir vivre concrètement autour d’un Projet Politique et d’une vision.

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