jeudi 6 mars 2014

Hyacinthe Befeno Todimanana : Une grande Présidence Possible à Madagasikara

Pour la Paix durable, l’opportunité d’une grande présidence

10 March 2014 at 10:03


Hyacinthe Befeno Todimanana, Antsohy/Novembre 2013

 Depuis le 25 janvier 2014, Madagascar a officiellement un nouveau Président, RAJAONARIMAMPIANINA Hery, élu au suffrage universel direct. Depuis son discours d’investiture, le nouveau Président a réitéré à maintes reprise que son mandat serait placé sous le sceau de la réconciliation nationale et du redressement économique, en insistant particulièrement sur la question de la réconciliation nationale, élément central de sa politique qu’il a qualifié lui-même de « non négociable ».

Aujourd’hui nous sommes dans une situation où même après des élections sensées sortir le pays de cinq ans de crise, les forces politiques en présence sont incapables de se mettre d’accord sur une lecture commune des enjeux qui attendent notre pays. Les discussions et chamailleries autour de la nomination du premier ministre montrent que le terreau sur lequel les crises politiques de 1991, 2002, 2009 ont prospéré sont encore vivaces et risquent de plonger de nouveau le pays dans des affrontements entre factions politiques sans objectif autre que d’avoir le contrôle total de l’appareil d’Etat.

Or le pays est en situation de quasi faillite (selon la banque mondiale) et si nos gouvernants ne trouvent pas les solutions adéquates pouvant garantir la stabilité politique nécessaire au développement économique alors, il nous sera très difficile de rétablir la confiance, élément central de l’œuvre de redressement du pays. L’exercice du pouvoir exécutif est paralysé par le fractionnement et l’illisibilité idéologique des factions politiques en présence qui ont conduit à un blocage institutionnel du pays, prélude à un mandat présidentiel ponctué de menaces et invectives d’alliés naturels ou pas, contraire à l’esprit de réconciliation nationale. Il est vrai que ce cafouillage est amplifié par un texte constitutionnel déséquilibré et imparfait que tous aujourd’hui qualifient au mieux d’handicapant pour l’exercice du pouvoir au service de l’intérêt général. Enfin,  du point de vue de la communauté économique internationale, qui connaît les maux structurels de l’histoire politique de notre pays,  ce serait le signe que l’ensemble de la classe politique préfère prendre le risque de crise future plus violente que celle dont nous essayons de sortir plutôt que de prendre le risque de la Paix Durable, base des investissements et donc du développement sur le long terme.

Seul le Président de la République, exerçant la plénitude des pouvoirs que lui confère la Constitution peut changer radicalement la donne. En effet, le Président de la république a été élu par le peuple Malagasy souverain qui selon la Constitution de la 4è république dans son préambule  est «Conscient qu’il est indispensable de mettre en oeuvre un processus de réconciliation nationale ». A ce titre le Président de la république est le garant de l’Unité Nationale (Art 45). Le peuple Malagasy a ainsi donné au Président de la république toute la latitude que lui confère sa fonction pour prendre les décisions nécessaires pour protéger l’unité nationale de notre pays quand celle-ci est mise en danger. Et aujourd’hui cette unité nationale est en grand danger, quand le jeu politique provoque le blocage institutionnel de tout le pays, sur fonds de vengeance et de rancoeurs vives.

L’Histoire nous a montré que sans ce processus de réconciliation nationale, les perspectives de stabilité nécessaire au développement économiques sont vaines. En 2002, le Président RAVALOMANANA après avoir promis qu’il entamerait un processus de réconciliation nationale, s’est rétracté et a gouverné ensuite au forceps créant ainsi une opposition non plus seulement politique mais sur lesquels s’était aussi greffée une masse critique s’estimant victime d’actes allant bien au delà du fait strictement politique. Le pouvoir de transition n’a fait que maintenir l’illusion de la réconciliation nationale en en ayant parfois le discours mais en prenant des décisions contraires à l’apaisement avec en premier lieu le non respect de tous les articles de la fameuse feuille de route du 16 septembre 2011 relatifs aux mesures d’apaisement politique et de réconciliation nationale (les articles 15,16,17, 19, 20) - sans que la communauté internationale puisse y redire quelque chose, poussant à « des élections à tout prix » comme solution de sortie de crise-  laissant ainsi dans le jeu politique une dose importante de rancœur et de haine qui ne peut en aucun cas favoriser la stabilité.

Depuis 2002, l’opinion ainsi que les décideurs ont été sensibilisés maintes fois sur l’impossibilité d’arriver à un réel apaisement, sans avoir entamé au préalable un processus de vérité et réconciliation nationale. Depuis le début de cette crise en 2009, plusieurs voix se sont levées pour réclamer du pouvoir politique l’organisation dans le cadre d’une conférence nationale d’un dialogue Malagasy-Malagasy de haut niveau. Depuis 2009, le Conseil Oecuménique des Eglises Chrétiennes (le FFKM), mais aussi de nombreuses voix d’autorité dans la société civile et politique ainsi que trois anciens Présidents élus au suffrage universel se sont unis pour appeler à l’organisation d’une telle conférence nationale afin de mettre sur la table - et les analyser- les maux qui rongent notre pays depuis des décennies et qui sont la source des crises politiques récurrentes qui annihilent de façon périodique tous les efforts entamés par les équipes qui se sont succédées à la tête de l’Etat. Ce dialogue dont même la communauté internationale a reconnu  la nécessité s’est heurté à des calculs politiques de certaines factions plus préoccupées par la maitrise conjoncturelle du pouvoir politique que de l’avenir de notre pays. Ce processus aurait pour but ultime de mettre l’ensemble du pays d’accord sur la lecture et les enseignements du passé,  sur ce qui fait de nous une Nation une et indivisible, des défis collectifs qui doivent engager l’ensemble des acteurs politiques, quelque soient leurs place sur l’échiquier pour enfin permettre que le jeu politique dans une démocratie (même naissante), avec ses calculs et ses postures, serve l’intérêt général dans les respect des institutions d’une république impartiale que nous bâtirons ensemble en toute connaissance de cause.

L’opinion publique, dans sa très grande majorité - et notamment la masse de ceux qui aspirent à mener une vie décente pour eux et leur famille- lasse des guerres politiques qui freinent la tâche ardue de créer une croissance économique forte et un développement durable dans la Paix, est favorable à ce que le Président prenne les mesures qu’il juge nécessaires pour sortir du cercle vicieux des crises cycliques.

L’opinion publique, dans sa très grande majorité, attend du Président qu’il soit fidèle à son message de réconciliation nationale et qu’il nous offre une perspective forte, loin des pressions conjoncturelles de certains clans.

Le Président RAJAONARIMAMPIANINA a ainsi l’opportunité de placer le début de son mandat sous le signe d’une réel renouveau en provoquant une rupture salutaire avec les pratiques du passé consistant à renier ce qu’on a promis, et en jouant réellement le rôle que lui confère les institutions : se mettre au dessus des partis et des intérêts partisans, et de son corollaire, les marchandages honteux non pas sur la nature des politique publiques à mener mais autour du phagocytage clanique du pouvoir politique.

Le Président RAJAONARIMAMPIANINA a ainsi l’occasion au nom du Peuple Malagasy d’entrer dans l’Histoire comme celui qui aura posé les fondations d’une Paix durable dans ce pays, en convoquant sous son autorité l’ensemble de la classe politique, économique et sociale, autour d’un Dialogue Malagasy-Malagasy pour la vérité et la réconciliation nationale pour ensuite entamer sur une base solide car garantie par un consensus national fort et souverain, le travail considérable qui l’attend pour redresser l’économie de ce pays.

Beaucoup essaieront de  dissuader le Président RAJAONARIMAMPIANINA, comme ce fut le cas pour le Président RAVALOMANANA en 2002, comme ce fut le cas pour le pouvoir de transition ces cinq dernières années. Mais nous voyons sous nos yeux le résultat catastrophique de plus de dix ans de valse hésitations et de fuite en avant sur ce sujet. Aujourd’hui est venu le temps des actes de courage afin de nous inscrire définitivement dans le camp du progrès auquel le pays peut prétendre au regard de ses richesses naturelles et son potentiel humain.

Le Président RAJAONARIMAMPIANINA l’a compris et l’a fait savoir lors des différentes interventions qu’il a faites depuis son investiture. Et nous décidons aujourd’hui de le prendre, tout simplement au mot. Ce serait là le signe d’une grande présidence. Et ce serait là les actes d’un grand Président.

Il faut prendre le président de la république à la lettre quand il dit: un premier ministre qui aura a charge de mettre en oeuvre et une politique de réconciliation nationale et une politique de relance économique.

Premier constat: il ne suffit pas de se dire pour la réconciliation nationale (tout le monde se dit pour la paix et pourtant nous voyons le résultat) pour être capable de mener une politique de réconciliation nationale. Cela ne s’apprend pas ni ne se décrète, il faut au minimum avoir montré par des faits une forme de leadership sur la question (au minimum répondre: qui, quoi, comment?) Je suis consterné quand je vois certains prétendants dire qu’ils sont parfaits pour le poste parce qu’ils ont réuni x signatures autour de leur candidature : la diversité (politique) de leurs soutiens signifiant compétence sur le sujet…Pour être pris aux sérieux et être crédible sur le sujet, il faudrait qu’ils nous disent au minimum comment ils aborderaient le processus de réconciliation nationale sans se défausser et dire que des conseillers s’occuperont des détails quand eux ne sont même pas capable de donner une perspective !

2è constat: le pays est en piteux état, la Banque Mondiale elle-même tirait la sonnette d’alarme en disant que le pays est en quasi faillite (lire: http://economie.jeuneafrique.com/regions/afrique-subsaharienne/21200-banque-mondiale-bientot-la-normalisation-des-relations-avec-madagascar-.html). Si la Banque Mondiale propose de coupler une conférence sur les investisseurs privés avec la conférence des bailleurs, c’est qu’elle sait que quelque soit les accords pris avec le nouveau gouvernement, les besoins de financement à court terme sont si importants pour éviter une explosion sociale (conséquences directes de la conjugaison de la dépréciation mécanique et dévaluation compétitive qui va avoir lieu+ fin des subvention à la pompe=> inflation) que les bailleurs traditionnels ne suffiront pas.
Il va donc falloir un premier ministre qui aura sous la direction du président une maîtrise et un contrôle clair sur la politique économique, financière (et industrielle) du pays et notamment sur les questions de financement des grands projets d’infrastructure, énergétiques et minières. C’est une personne de ce calibre avec un réel leadership sur ces questions qu’il va falloir trouver, non pas pour les beaux yeux de la communauté internationale mais parce que si nous voulons que la confiance des investisseurs internationaux (qui ne se décrète pas la main sur le coeur) revienne et impulse une croissance durable en créant des emplois industriels, il nous faut arrêter de jouer les amateurs et nommer des personnes qui ne feront que de la figuration sur ce sujet comme nos hommes politiques nous y ont habitué (genre: j’ai un conseiller qui s’en occupe), surtout depuis 5 ans. Depuis 5 ans, nous souffrons d’une faiblesse de leadership sur les questions économiques, ce qui a donné portes ouvertes à des abus de tout genre dont nous voyons les méfaits aujourd’hui. La communauté économique internationale ne s’y trompe pas en faisant savoir clairement à Madagascar que oui elle est prête à revenir en force mais dans des conditions de collaboration d’un niveau auquel les montants en jeu ne laissent aucune place à l’essai, à l’improvisation et/ou à l’incompétence.

Alors, quel premier ministre?
Hyacinthe Befeno Todimanana
Diffusion autorisée.

La Banque mondiale a déclaré vendredi 24 janvier qu'une normalisation de ses relations avec Madagascar était possible. Le timing dépendra de la rapidité de la nomination d'un nouveau gouvernement.
La Banque mondiale a annoncé la possible normalisation de ses relations avec le Madagascar et la possible reprise des aides directes à condition que la nomination du nouveau gouvernement soit exécutée rapidement et sans embûches.

Aides vitales
Stoppées en 2009, les aides directes sont aujourd'hui cruciales pour un pays économiquement aux abois. La Banque mondiale, qui avait continué de soutenir le pays uniquement via des aides d'urgence depuis 2009, devrait pouvoir prêter entre 120 et 150 millions de dollars par an sur les trois premières années.
Le montant annoncé reste toutefois modeste et son impact sur les finances publiques du pays, dans un piteux état, restera modeste. Haleh Bridi, directrice des opérations de la Banque mondiale pour les Comores, Madagascar, Maurice et les Seychelles, a ainsi déclaré à Reuters : "Madagascar est soit déjà en faillite soit sur le point d'être en faillite".
La croissance économique n'est pas très soutenue à l'échelle africaine, avec une prévision de 3,7% pour 2014, et son niveau ne compense pas suffisament le dynamisme démographique de l'île. La Banque mondiale estime que l'économie devra être la première priorité du nouveau président, qui devra réinstaurer la confiance auprès des acteurs locaux et internationaux. Ces derniers se sont globalement tenus à l'écart de Madagascar ces dernières années, à l'exception de quelques acteurs dans le domaine minier (nickel, titanium, cobalt, fer et charbon).
Nouveau gouvernement
Elu président le 20 décembre 2013, Hery Rajaonarimampianina est entré officiellement en fonctions le 25 janvier. Son profil pourrait encourager et rassurer les donateurs. L'ancien ministre des finances  s'était en effet efforcé par le passé de réduire les dépenses de l'État et de contenir l'inflation face la chute des investissements étrangers et des revenus fiscaux. Ces efforts ont été appréciés par la communauté internationale.
L'avenir proche du pays et le retour des aides internationales est donc désormais entre les mains du nouveau président malgache et des responsables politiques et dépendra de leur capacité à former un gouvernement fédérateur et durable au plus vite.

http://economie.jeuneafrique.com/regions/afrique-subsaharienne/21200-banque-mondiale-bientot-la-normalisation-des-relations-avec-madagascar-.html